Peu de temps après son indépendance, la Tunisie, et à l'opposé des ses voisins maghrébins, a trouvé dans l'éducation et la santé sa première priorité. A l'époque, le pays sortait d'une période de colonisation qui a épuisé beaucoup de ses ressources et qui a été destructive mais aussi meurtrière. La population vivait une pauvreté aïgue et généralisée à laquelle s'ajoutait un taux d'analphabétisme élevé.
Cette situation économique et sociale ne permettait pas de vivre dignement selon les droits légitimes et vitaux de la personne humaine et les condamnant aux dures difficultés de la survie au jour le jour.
Au moment où les pays voisins ont parié sur des investissements d'ordre économique plutôt que social, les autorités tunisiennes de l'époque et à leur tête le Président Habib Bourguiba ont vu dans l'éducation et la santé une porte de sortie. Ils ont crû à l'importance de la recherche et l'éducation comme un "investissement" prioritaire (en capital humain) pour s'en sortir.
Dans ce sens, une des importantes décisions prises à l'époque c'est la gratuité de l'éducation et de la santé pour tout le monde. Mais intéressons-nous aujourd'hui au système éducatif seulement et laissons la santé pour un prochain post.
Grâce à la gratuité de l'éducation, des centaines des milliers d'enfants ont pû intégrer l'école. Cette gratuité continue a faire du bien au pays puisqu'elle a permi de réduire considérablement le taux d'analphabétisme mais, a aussi permi des changements sociaux, économiques et culturels très bénéfiques (faible taux démographique, amélioration du niveau de vie, participation de la femme à la vie active...)
La 1ère question qui se pose maintenant: Est-ce qu'on doit toujours soutenir cette gratuité de l'éducation ou doit-on la rendre payante?
Pour répondre, nous devrons se pencher sur la situation actuelle de notre pays. Tous, nous savons que la classe majoritaire en Tunisie c'est la classe moyenne même si la pauvreté commence à prendre de l'ampleur dans certaines régions (et ce n'est pas nouveau). Une classe moyenne qui vit de plus en plus dans les dettes. Une situation due à la hausse continue des prix devant la stagnation des salaires. Un endettement des ménages qui a détérioré leurs conditions de vie engendrant des problèmes sociaux très graves.
Ainsi, imaginez si en plus de ces dettes nous obligerons les familles à payer la scolarité de leurs enfants alors qu'elles en seront les conséquences?. La réponse est évidente: les familles n'enverront plus leurs enfants à l'école.
Prenons un exemple simple, une famille composée seulement de 3 enfants et un papa (contre-maître, par exemple) avec un salaire de 350 dinars et pour ne pas prendre un cas extrême supposant que la maman travaille avec un salaire similaire (en tout, le revenu du foyer s'élèvera à 700 dinars). Comment cette famille se débrouillera-t-elle pour vivre?
180 dinars loyer, 20 dinars électricité, 15 dinars eau potable, 300 dinars pour la nourriture (si on suppose que chaque personne ne consomme en moyenne que l'équivalent des 2 dinars par jours entre petit déjeuner, déjeuner, collation et diner), 100 dinars pour l'achat des vêtements (en supposant que chaque individu a un budget mensuel moyen de 20 dianrs pour ses vêtements: pantalons, chaussures, chaussettes, sous vêtements...), 15 dinars pour la coiffure (si on suppose que chaque membre de la famille n'aille chez le coiffeur qu'une fois par mois en déboursant seulement 3 dinars)....
Qu'est ce qui reste du budget de la famille? et ben, pas grand chose seulement une centaine des dinars pour faire face à des dépenses imprévues telles que problèmes de santé ou déplacements occasionels ou frais de rentrée scolaire. Comme vous voyez, dans ce calcul je n'ai pas tenu en compte les frais de déplacement des différents membres de la famille que ce soit pour aller au boulot ou à l'école. De même je n'ai pas précisé si les enfants sont à l'école primaire ou université (car si c'est à l'université, alors là c'est la catastrophe puisqu'il faut prendre en compte dans ce calcul les frais de logement, de déplacement...). Maintenant, dites-moi comment faire pour payer la scolarité des enfants?!: mendier? voler? s'endetter encore?...
Dans cet exemple simpliste, vous avez aussi sûrement pû constater qu'une famille de la classe moyenne ne peut pas se permettre d'avoir des loisirs sinon c'est l'endettement assuré et bonjour les dégâts.
Maintenant, il est évident que les ménages qui pourront se payer le luxe de scolariser leurs enfants dans un système éducatif payant sont les ménages relativement aisés. Un tel cas de figure, ne fera qu'aggraver la cassure sociale et éclaboussera le principe de l'équité entre tous les citoyens et le droit de l'accès à l'éducation pour tout le monde qu'ils soient riches ou pauvres.
En rendant le système éducatif payant, on aura beaucoup plus des médécins, des ingénieurs, des avocats, des cadres,... issus des familles aisées mais de moins en moins issus des familles de la classe moyenne (sans parler des classes les plus demunies).
Est-ce que c'est cette Tunisie que veulent les personnes qui prônent une éducation payante? est-ce que c'est une cassure sociale encore plus flagrante que veulent ces personnes qui ont profité de ce système éducatif gratuit pour être là où elles sont aujourd'hui?...
Non! desolé, je suis un citoyen de ce cher pays, je suis issu de la classe moyenne et c'est cette gratuité qui m'a permise d'accéder à l'éducation et espérer une vie meilleure pour moi et pour les générations futures bien sûr. Donc je ne vais pas cracher dans la soupe comme certains le font et renier mes origines et surtout la dureté de ce que j'ai vécu. Je ne veux pas que des gens vivent la misère et comme si ça ne suffit pas, on les obligerait à payer pour accéder à l'éducation autrement dit, les condamner à "s'éteindre doucement".
Pour finir, je tiens à aborder une 2ème question que je trouve plus pertinente que la première. Cette question est la suivante: Est-ce que le système éducatif actuel est le bon? ou est-ce qu'il y a mieux à faire à ce niveau? si tel est le cas alors quelles améliorations doit-on apporter?. Ma réponse vous l'avez sûrement deviné mais je ne vais pas en parler maintenant car ça sera le sujet d'un autre post prochainement.
A toute personne préconisant une éducation payante, je dirai: "rêve d'un jour, rêves toujours!"...